Cher René Pons,
Je viens de lire votre "Lettre ouverte au poète Han shan qui vivait au VIème ou VIIème siècle de notre ère". Je ne suis pas étonné que vous ayez choisi comme destinataire cette figure presque légendaire et inclassable que tantôt l'on rattache au taoïsme, tantôt au bouddhisme tch'an. La solitude intérieure rapproche. Vous ne vivez pas dans une caverne, mais vous aussi vous êtes seul, au milieu de la foule et ailleurs. Comme Han shan, vous avez le goût de la trace discrète et, de votre vie, l'on sait peu de choses. À sa façon, j'ai l'intuition que vous auriez aimé écrire sur les rochers, les arbres ou les murs. Vous ne l'avez pas fait. Mais heureusement que vous avez écrit tous ces livres où vous avez déployé un regard sans concession sur le monde et sur vous-même ! Qu'est-ce que je fais là, cette question vous semblez vous la poser sans cesse, et Han shan se la pose avec vous, et nous aussi. N'est-ce pas la grande énigme de toute vie ? La mort a toujours été votre hantise, surtout celle qui est à l'oeuvre dans l'existence même, regardant le monde et les hommes "derrière ses lunettes noires". Comment résister à cette déchéance qui ronge inexorablement nos sociétés ? Vous n'êtes pas homme à danser dans le désastre. Pas joueur ! Vous avez trop le sens du "profond sérieux de toutes choses, y compris le plaisir et la joie", pour faire semblant. Votre défense, ce sont l'ironie et le sarcasme, mais avec une sorte de gravité. On croit que vous détestez le monde entier. Certains vous prêtent même une méchanceté. On vous connaît si mal ! Toute votre écriture, par son style, montre que vous avez au contraire une haute idée de l'homme, malheureusement mise à mal par la réalité sordide qui lui est faite.
Vous partagez avec Han shan la même complicité avec la nature. Dans votre lettre, vous lui écrivez : "Tu t'asseyais devant la grotte où tu avais choisi de vivre, dans cette position qui porte le nom d'une fleur, au pied de la falaise, et immobile, sans penser, tu écoutais les oiseaux qu'accompagnait le murmure d'un torrent dans le fond d'une gorge, tu regardais pousser les feuilles après l'hiver, tu les voyais se rider en été sous l'effet de la sécheresse, puis se diaprer de multiples couleurs et enfin tomber à l'automne, formant un court moment, avant que ne vienne la pluie ou les premières neiges, ce tapis bruissant dans lequel tu poussais tes vieilles sandales de paille..."
Et vous écrivant cette lettre, je regarde par ma fenêtre : les dernières feuilles accrochées aux arbres attendent patiemment le passage du vent.
Alain Roussel
René Pons : Lettre ouverte au poète Han Shan qui vivait au VIème ou VIIème siècle de notre ère (éditions le Réalgar, 4,50€)
Vous partagez avec Han shan la même complicité avec la nature. Dans votre lettre, vous lui écrivez : "Tu t'asseyais devant la grotte où tu avais choisi de vivre, dans cette position qui porte le nom d'une fleur, au pied de la falaise, et immobile, sans penser, tu écoutais les oiseaux qu'accompagnait le murmure d'un torrent dans le fond d'une gorge, tu regardais pousser les feuilles après l'hiver, tu les voyais se rider en été sous l'effet de la sécheresse, puis se diaprer de multiples couleurs et enfin tomber à l'automne, formant un court moment, avant que ne vienne la pluie ou les premières neiges, ce tapis bruissant dans lequel tu poussais tes vieilles sandales de paille..."
Et vous écrivant cette lettre, je regarde par ma fenêtre : les dernières feuilles accrochées aux arbres attendent patiemment le passage du vent.
Alain Roussel
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