lundi 1 décembre 2025

 


Longtemps interrompu, je reprends mon blog, "Passager clandestin de la pensée", avec le "Journal de lectures", dans le même esprit initial : établir une relation intime avec la poésie et la littérature ou d'autres aspects de la pensée, en toute liberté et comme de bouche à oreille.  Selon quelle fréquence, je n'en sais rien. Ce sera à l'impulsion du moment, avec une certaine rareté je pense. Quelques mots suffiront parfois. On parle toujours trop. Préférer, souvent, de larges extraits qui en disent plus que tout commentaire. 



Frontispice de Jean-Pierre Paraggio
au livre "Palabres de mes dormants"
de Michel Dubret





Parmi les derniers arrivages, je retiens tout particulièrement "Palabres de mes dormants", de Michel Dubret, avec un frontispice de Jean-Pierre Paraggio. Mais qui sont ces dormants qui peuplent ses nuits et ses jours et qui parlent la langue des mystères, au plus intime, qui font de lui un somnambule, passant "entre deux brumes avec, en tête, des souvenirs inconnus peuplés de noms qui ne ressemblent à rien... ramassant par bribes le trésor imprévu de quelques mots" ? Ce sont des "fantômes familiers" — certains viennent de l'enfance —, qui n'ont pas vraiment de visage mais dont il ressent la présence à même la peau, "comme si le soir cuisait un puits dans la chaleur". Ce sont surtout des porteurs de voix. Ils vont et ils viennent, agitant des "clefs étranges qu'ils ramassent aux alentours de leurs haltes", mais qui n'ouvrent aucune porte : l'énigme est là et déjoue toute tentative d'interprétation. 

EXTRAIT :

                Pour Joël Gayraud

"Le haut cachotier de bois noir que j'ai depuis toujours n'a ni portes ni tiroirs. J'y ai rangé, par précaution, une lune qui siffle dans son coin, un rabot d'océan tout hiverné d'écume, deux roussels assoupis et une tempête de neige appelée Rina, que pour ne pas pleurer je ne regarde pas. Quelques grands ours blancs s'y promènent souvent avec un oncle jules qui est un paysage. Un enchanteur écolier y habite à demeure. Hypnotiseur d'automate et charmeur de tirelire, il murmure à longueur de temps ses mots-poèmes inaudibles. D'habitude dans les ombres, le cachotier allume à son sommet la devinette d'une lueur où le meuble en entier, chaque fois, s'enbaume de son intime disparition."

Michel Dubret : Palabres de mes dormants (éditions : collection de l'umbo)